TradsVous aimez les terminologies latines hasardeuses ? Vous voulez tout comprendre des enjeux autour des mégabassines ? Cette chronique des luttes est faite pour vous. Marti, depuis Sainte-Soline nous explique tout.
Les alertes scientifiques se multiplient sur les effets du dérèglement climatique et la raréfaction des eaux douces. Dans ce contexte « brûlant » le gouvernement encourage pourtant avec nos deniers (environ 70% d’aides financières) à soustraire des terres cultivables pour les convertir en de vastes surfaces imperméabilisées destinées à stocker de l’eau massivement pompée dans les nappes phréatiques. Une aberration de plus dans un système totalement hors-sol et déconnecté de la réalité. Petites explications…
« L’homo Capitalisticum » sa logique et son « bon sens »
Au-delà du modèle d’agriculture industrielle et de ses pratiques décriées, l’émergence de tels projets démontre la deconnexion de « l’Homo Capitalisticum » de son environnement « naturel ». Dans ce cas, celui des méga-bassines, il occulte totalement les relations entre nappes et cours d’eau. Les politiques qui servent sa cause, relayés par leurs amis « médiaticum oligarcus », laissent croire qu’il s’agit de « bon sens » que de retenir l’eau censée être abondante en hiver. Il suffit de voir l’utilisation du champ lexical de la récupération des eaux de toitures pour arroser son jardin souvent utilisé pour « parler simplement aux gens simples », comprendre celles et ceux qui doivent rester en dehors des affaires des « Oligarcus Capitalisticum ». Cela est évidemment incomparable et les conséquences sont sans commune mesure.
En effet, les temps de recharge des nappes sont complètement dépendants de l’intensité, la durée et la fréquence des pluies, mais aussi de la capacité d’infiltration et de rétention du sol. Les pratiques agricoles intensives diminuent largement ces capacités et appauvrissent la vie biologique et donc la structuration des sols. La faute notamment aux drainages, à la battance accrue des sols, au ravinage, à l’érosion des terres déstructurées par l’Homme. Rappelons à toutes fins utiles à l’Homo Capitalisticum que par principe, une eau qui ruisselle ne s’infiltre pas !
Suffisamment alimentée, la nappe phréatique est comme une éponge gorgée d’eau. Ainsi elle permet de constituer des réserves souterraines et de soutenir l’alimentation des cours d’eau en période de basses eaux. Ce stockage naturel souterrain permet de garder une fraîcheur de l’eau indispensable à la vie aquatique, contrairement à des eaux exposées au soleil qui peuvent être à l’origine de véritables bouillons de cultures¹ et d’une perte considérable du volume d’eau pompé qui s’évaporent au rythme moyen d’un demi litre/seconde/Km² de surface de bassine en période estivale.
Nous déréglons le climat ? Autant que ça serve à quelques uns !
En effet, aux pressions anthropiques exercées sur nos ressources se cumulent les effets du dérèglement climatique. Nous pouvons observer ces perturbations par une fréquence accrue des trombes d’eau ou par de longues périodes sans précipitations. Dans ce contexte, les cycles de recharge des nappes et la vie qui en dépendent sont d’autant plus perturbés.
Comment une Politique Publique de l’Eau Française, soi-disant exemplaire sur le plan international, a t-elle pu en arriver à aider massivement la construction et l’entretien de ces giga-dispositifs hyper-couteux, réservés à certaines élites, et clairement identifiés comme allant à l’encontre même des grands principes de la Loi sur l’eau française dans ses articles 1 et 2 et de la Directive Cadre Européenne sur l’Eau (DCE) ? Clairement, dans le cas des mégabassines, l’eau est destinée à une poignée de gigantesques exploitations céréalières dédiées aux exportations. C’est ce que l’on appelle s’accaparer l’eau et c’est contraire aux principes essentiels de la loi sur l’eau. Si Homo capitalisticum dérègle tout et provoque une pénurie il s’assure que ce qu’il reste aille aux bonnes personnes !
Les trois mouvements de la symphonie de la dérégulation de l’eau
Comment expliquer le putsch récent du ministère de l’Agriculture et sa doctrine « Varenne de l’eau » sur le ministère de l’Environnement ? Ce dernier a pourtant toujours été en charge des questions liés à l’Eau et l’Environnement, or depuis la « Loi Climat » du premier mandat du président Macron, la confusion règne entre 3 ministères. Ministères de la Transition écologique et de la cohésion des territoires, de la Transition Energétique et de l’Agriculture et Souveraineté alimentaire se déchirent sur le sujet de l’eau. Qui fait quoi et surtout dans quel but ? L’Homo Capitalisticum a composé à cette occasion une symphonie tout à fait remarquable…
Dans un premier mouvement allegro, il a supprimé des sommes considérables des caisses des agences de l’eau, bafouant ainsi le principe de « l’Eau paye l’Eau » instauré jusqu’alors. Ce principe faisait que les redevances prélevées aux citoyen-nes via la facture d’eau étaient redistribuées pour financer des projets de gestion équilibrée de la ressource en eau et de protection/restauration de la qualité de l’eau et des milieux aquatiques.
Dans un second mouvement largo et sous couvert d’une « production verte » d’Energie hydraulique, il a choisi de renforcer la conservation de tous les ouvrages en travers des cours d’eau, sans distinctions de leur potentiel énergétique. Cela fait pourtant trente ans que la directive cadre européenne et la communauté scientifique ont démontré l’impact cumulé des multiples ouvrages non manœuvrés (abandon des usages de la meunerie traditionnelle) sur la qualité physique et biologique des cours d’eau (circulation naturelle des sédiments et des espèces migratrices).
Enfin, dans un dernier mouvement prestissimo il a provoqué un « Varenne de l’Eau », présenté comme « cadre politique issu d’une concertation de l’ensemble des acteurs de l’eau et du monde agricole » à l’image d’un « Grenelle de ceci » ou d’un « Ségur de cela » et surtout avec le même niveau de concertation réelle que ses célèbres alter egos. Traduction immédiate : la mise en oeuvre d’un outil territorial appelé « Plan Territorial de Gestion de l’Eau » (PTGE), dont les projets de bassines sont souvent proposés comme étant LA solution de gestion pour satisfaire les besoins en matière d’irrigation agricole. Besoins qui ne sont absolument pas interrogés puisqu’essentiellement liés à l’agro-industrialisation récente des terres pour alimenter le marché agricole international, autrement dit Homo Oligarcum…
Par ailleurs, le Varenne de l’eau définit des orientations essentiellement basées sur le prélèvement de la ressource, la répartition entre les différents usages et non les multiples enjeux liés à sa protection. Ainsi le maintien de la fonctionnalité des écosystèmes aquatiques qui rendent de nombreux services à l’Homme, la protection et mise en valeur d’une politique de restauration des milieux aquatiques en place depuis plus de 40 ans n’ont plus droit de cité. L’Homo Capitalisticum peut-il se permettre de perdre son temps à de telles sornettes collectivistes ?
Pas besoin de rechercher des solutions, elles sont déjà là !
Il existe pourtant bien d’autres solutions pour retenir ou maintenir l’eau dans le sol. Mais cela doit passer par un changement radical et incontournable des orientations politiques et des pratiques agricoles. Autrement dit, Homo Politicum doit laisser la place à HomEAU Communum. Si nous parvenons à ce stade de l’évolution nous pourrons alors découvrir que tout est déjà là.
Par exemple, la diversification des cultures adaptées à la pédologie et au comportement de l’eau dans le sol. Mais aussi l’agriculture de conservation des sols, vie biologique du sol accrue pour une meilleure rétention d’eau en période où les besoins en eau sont importants pour le développement de plantes cultivées et adaptées au milieu local. L’expérimentation de pratiques agricoles avec dédrainage de terres en fond de vallée. L’ obstruction temporaire des sorties de drains. Alors pourquoi ne pas utiliser tout cet argent public en incitant le monde agricole à se diriger dans cette voie ? Maudit Homo Capitalisticum bloqué dans son développement et menaçant ainsi d’emmener dans sa chute toute l’humanité…
Retour sur les effets du rassemblement de Sainte Soline
L’émotion qui a traversé ce week-end d’octobre à Sainte-Soline nous dit quelque chose sur notre capacité à nous tenir ensemble face à l’adversité capitaliste et à lui porter des coups. C’est cette émotion collective que nous voulons convoquer à nouveau pour mettre un terme à ces projets démesurés. Mais nous ne voulons pas que cette énergie ne se concentre que dans la bataille livrée dans les Deux-Sèvres. Ne jetons pas toutes nos forces dans un seul combat pour se trouver désemparé.es lorsqu’il arrivera à son terme.
Le désastre aujourd’hui est partout, au point de ne plus savoir où donner de la tête. Les efforts à accomplir pour tenter de réparer les innombrables erreurs que les êtres humains ont accumulées semble souvent titanesques. Pourtant des lignes de front apparaissent et aussi modestes soient-elles, il faut les rejoindre. La lutte contre les méga-bassines en est une. Elle est même devenue, chemin faisant, un sérieux point de ralliement. Il en faudra d’autres assurément pour étendre la menace et étaler nos forces vers de nouveaux horizons.
¹ développement anormal d’algues filamenteuses et de cyanobactéries. On parlera ici de dystrophisation.
Illustrations – supports vidéos
Critique du média indépendant Blast sur le rassemblement de Sainte-Soline.
Retour en image avec la caméra embarquée du NPA le 29.10.22 à Sainte-Soline.
Pour lire le programme de la NUPES notamment sur le sujet de l’eau, bien commun à défendre.
C’est quoi une bassine avec Emma Haziza (Hydrologue et fondatrice de Mayane)
Regards sur le climat et les bassines par Florence Habets :