On avait bien bossé à la dernière AG de L’Action Populaire Amboise, ça faisait un moment qu’il faisait nuit et, après avoir égrainé l’ordre du jour et en attendant la libération des saines libations post travail intense, nous nous sommes mis à commenter l’actualité […]
Un vent mauvais d’Italie
Évidemment il n’a pas fallu longtemps avant que les élections en Italie n’arrivent sur le tapis. C’est Cengiz, comme souvent lorsqu’il s’agit de dénoncer l’extrême-droite, qui a lancé les hostilités avec en arrière plan l’idée angoissante que ça pourrait arriver ici comme là-bas. Il était remonté comme un coucou contre le libéralisme qui amenait le chacun pour soi à tous les niveaux de la vie sociale et par le rôle des médias dont tout le monde connaît aujourd’hui la mise sous tutelle idéologique depuis que la quasi intégralité des titres sont propriété de plus grosses fortunes de ce pays.
Refuser la sidération et agir
Comme toujours, parce qu’ensemble nous avons la force et le courage de réfléchir avec lucidité, nous avons enchaîné sur les moyens dont nous disposions afin de combattre la peste brune. Que pouvons nous faire concrètement ? Sébastien, convaincu et motivé comme pas un, a rappelé que rien ne pouvait être plus efficace qu’une présence humaine partout, dans tous les villages désertés par les services publics, par tous les lieux de socialisation, par toutes les manifestations collectives. Dans bien des endroits en France s’est installé un isolement ne laissant la place que pour le silence et où la seule discussion possible est avec son poste de télévision ou son écran d’ordinateur.
A ce niveau là, à l’Action Populaire Amboise avec tous nos projets qui partent dans tous les sens, qui visent à rendre la parole à toutes celles et ceux qui en sont privés on peut dire qu’on se démène. Par exemple, notre ciné-club ambulant se fixe pour objectif d’aller de village en village pour permettre aux gens de débattre avec leurs voisins. Notre journal papier veut informer avec un point de vue local et militant sur toutes les initiatives en cours. Que les gens se remettent à parler, à échanger et ils pourront redécouvrir qu’ils sont vachement plus intelligents que la télévision, qu’ils peuvent être d’accord sur des choses pas si folles que ça.
« C’est qui le plus cas soc’ ? »
Moi qui avais lu le dernier Ruffin, j’ai pu ajouter à cela des éléments de réflexion tout chauds tout frais. Parce que remettre du collectif, du commun entre les gens c’est bien mais, le premier ennemi visible nous rappelle Ruffin, c’est le voisin, le collègue, le cousin, celui que l’on peut identifier et dont on connaît les faits et gestes. Il ne se lave pas, il touche l’allocation adulte handicapé, il ne travaille pas, il a une console, il est le « cas social » de tous les fantasmes sur lequel le travailleur précaire va cristalliser ses colères, ses frustrations de n’avoir droit à rien, de devoir se battre jour après jour pour ne pas sombrer soi-même et lui ressembler en devenant à son tour un rien, un profiteur, un inutile.
Car au fond la vraie peur elle est, elle, de ne plus exister du tout, ne plus avoir d’utilité sociale. Et dans les lieux en déshérence, force de constater que la lutte s’opère là, ne pas glisser et finir au fond du trou soi-même. Alors bien sûr la première chose à faire est de ne surtout pas rentrer dans la polémique sur le niveau de « profitage » de tel ou tel « cas social » puisque de toute façon il est bien trop épié pour que rien ne puisse échapper à la vigilance de son délateur et que la mauvaise foi n’est pas forcement étrangère au jugement.
« 1, 2, 3 : Bezos vient de gagner 10 000 euros »
La meilleure stratégie quand le militant se retrouve à faire face à ce genre de situation n’est pas dans la discussion des raisons de son interlocuteur ou son interlocutrice mais plutôt dans le changement d’angle. Et ceux qu’on ne voit pas ? Existent-ils réellement ? Bezos il habite où lui ? Il ne s’agit sûrement pas d’un voisin, par contre il aspire toujours plus d’argent, tout comme ses petits camarades de jeux qui, pendant que les pauvres se font la guerre de savoir qui est le plus « cas social » amassent pour eux et délocalisent pour les autres, amoncellent pour eux et précarisent pour les autres, cumulent pour eux et détruisent pour les autres.
je travaille, nous travaillons…
Ça c’est pour le terrain, pour répondre à l’urgence d’une situation mais Ruffin, dans son livre, va évidemment beaucoup plus loin et appelle la gauche à se ré-emparer du thème du travail. En effet, celui-ci se retrouve aujourd’hui dans les bouches des libéraux voulant le libérer, le flexibiliser, mais aussi du même coup le dévaluer, le dégrader pour le rendre plus compétitif. Le travail est aussi dans la bouche des nationalistes qui veulent le reprendre à ceux qui ne devraient pas en avoir pour le donner à ceux qui le mériteraient.
Finalement il n’y aurait que dans la bouche de la gauche, de ceux dont la mission, jusqu’à il y a peu, était de le mettre au service de l’humanité pour aller vers un mieux être, qu’il est absent. Faire en sorte que le travail ne soit plus une fin comme c’est trop souvent le cas avec les liquidateurs sociaux au pouvoir depuis plusieurs décennies mais un moyen, celui de s’émanciper, de vivre dignement voilà le projet qui peut permettre de rendre durablement aux milieux défavorisés la boussole perdue lors des fermetures d’usine, des différentes réformes visant à précariser toujours plus la vie des gens diront les nôtres (à flexibiliser diront les autres).
Oups, nous sommes finalement un moment à parler de tout ça, il était temps de lever la séance avec je l’espère l’envie dans un coin de la tête pour tous les camarades de lire le dernier livre du député-journaliste qui, fidèle à son habitude, signe un ouvrage à hauteur de militant, de travailleur d’être humain. Allez Tchin et bonne lecture !
Aller plus loin
Pour écouter Ruffin commenter son livre, cliquer ici
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