Chronique des luttes (7) : une chute inéluctable ?

Jeudi soir dernier, à Amboise, la salle des fêtes ressemblait plus à une salle défaite. Nous avons assisté à un drame voire une tragédie pour la démocratie (…)

Un match de boxe, c'est un peu le spectacle offert par le conseil municipal pour qui ne connaissait pas le contexte.
Les Français peints par eux-mêmes (1853)

L’édile d’Amboise tentait de sauver la face à la suite de défections de son camp mais les déclarations liminaires des différents groupes d’opposition qui détiennent à eux tous la majorité depuis les départs de plusieurs membres de la majorité ont donné le ton de la soirée. Thierry Boutard, maire élu depuis deux ans n’en fut, en apparence, pas plus que ça décontenancé.

1. Les doléances du conseil municipal.

Se comportant comme un despote selon ses anciens alliés, il ne partagerait pas son pouvoir, prendrait des décisions sans consulter les adjoints concernés, et ceux-ci seraient souvent mis devant le fait accompli selon ses opposants qui ont refait le film de deux ans d’une gouvernance compliquée.

Au fil des conseils municipaux, des réunions de commissions, et des décisions prises par le Maire, des membres de son équipe auraient commencé à se décourager, certain-es auraient pourtant essayé de l’alerter, de dialoguer, mais en pure perte.

Élu avec seulement 43 voix d’avance, il avait promis au soir de son élection d’être un élu ouvert, prêt au dialogue avec les propositions de l’opposition. Il avait également déclaré que son nom en tant que maire d’Amboise s’inscrirait dans la lignée de son prédécesseur Michel Debré.

Malgré ces belles intentions, le ton aurait été donné dès les premiers conseils municipaux, raillant l’opposition, monopolisant la parole, réduisant au silence son équipe qui ne se serait exprimée que lorsque c’était nécessaire et consenti par le « monarque absolu » (selon ses opposants toujours) de la droite amboisienne.

2. Selon les démissionnaires de la majorité, une mise en minorité consécutive à une gestion autocratique.

Le manque de respect et le manque de confiance attribué à ses adversaires et alliés ont été pointés lors des défections successives. Les élus de la majorité qui ont quitté le navire en démissionnant de leur fonction se sont exprimés pour se plaindre de l’attitude de leur maire et il est apparu qu’ils n’en pouvaient plus de son comportement.

Disposant initialement de 24 élus sur 33, le maire au bout d’un peu plus de 2 ans de mandat ne comptait plus, jeudi soir en début de soirée, que de 16 fidèles sur 33, il n’était plus majoritaire. Parmi les reproches de ses anciens collaborateurs, il y a le fait que beaucoup de projets entamés n’avancent pas du fait que monsieur Boutard voudrait absolument tout contrôler, sans laisser la moindre parcelle de décision aux élus responsables.

3. Les temps forts du « conseil de la révolte »

Au début du conseil de jeudi, l’opposition demanda au maire de prendre ses responsabilités, autrement dit réclama sa démission, puisqu’il n’était plus majoritaire, et des anciens compagnons de route étiquetés LREM du maire demandèrent le vote à bulletin secret pour les délibérations qui devaient être examinées ce soir-là.

Après un cafouillage du pouvoir en place qui s’interrogea sur la légalité de la procédure et un vote à main levé, le vote à bulletin secret fut adopté.

Ensuite les délibérations se sont succédé et après quasiment tous les égrenages de bulletins, les élus et les spectateurs se sont rendus compte que les délibérations du Conseil Municipal étaient rejetées les unes après les autres et pour beaucoup d’entre elles avec 18 ou 19 voix, ce qui a laissé supposer que parmi l’équipe au moins deux membres supplémentaires désapprouvaient la méthode Boutard mais n’avaient pas décidé de démissionner.

Une assemblée sinistre lors d'un sabbat.
Maurice Garçon. La Vie Exécrable de Guillemette Babin, Sorciere. Paris 1926

4. Après le conseil municipal, la gueule de bois.

La soirée du maire a donc été catastrophique. Ses fidèles parmi les fidèles ont bien entendu dénoncé l’attitude peu démocratique des opposants et de leurs anciens co-listiers. Il y en a d’autres qui se sont énervés, un a quitté la salle, défait. La démocratie, le suffrage universel et les amboisiens ont été, selon le maire, pris en otage.

Mais à l’heure du bilan de la petite soirée entre amis il y a beaucoup de casse : parmi les projets rejetés, des projets imposés par l’état, des renouvellements de poste pour une salariée de la Mairie, l’attribution de terrains pour la réalisation de jardins ouvriers, et surtout une décision modificative relative au budget. Le maire va devoir s’expliquer (ou pas) auprès de la préfète sur cette dernière délibération non votée.

Ce spectacle a oscillé entre tragédie et comédie avec le maire qui tentait de faire bonne figure devant les spectateurs et les médias. La litanie des bulletins contre a fini par exaspérer plus d’un élu de l’ex-majorité menée par Boutard. Aujourd’hui il tente de passer pour une victime et il explique que l’opposition a été méchante avec lui, il réfute les accusations de « monarque au pouvoir absolu » dont ses détracteurs l’affublent, mais le résultat est là pour la commune et ses habitant-es : calamiteux. A qui la faute dans ce dialogue de sourd ?

5. La solution : le référendum révocatoire !

S’appuyant sur le résultat des élections, le maire n’envisage pas le moins du monde de démissionner, arguant que démissionner serait trahir les amboisien-es qui l’ont élu, alors qu’être en incapacité de mener le moindre projet pour la ville ne semble pas être un problème à ses yeux par rapport à ses engagements envers ces mêmes amboisien-es. Il a été élu avec une équipe et un projet, et ce ne sont pas ces soubresauts qui vont, dit-il, le pousser vers la sortie alors même que l’équipe n’existe plus menaçant ainsi directement tous les projets.

C’est avec ce genre de conflit qu’on se rend compte des limites de la 5ème république. En effet, une fois élu le maire, le député, le président, peut faire ce que bon lui chante. Il a un mandat sur plusieurs années et il est indéfectible sauf en cas de décès. Le fait est qu’il ne peut pas être révoqué pour manquement aux engagements pris dans son programme ou pour incompétence.

À la France Insoumise, nous sommes pour le référendum d’initiative populaire qui permettrait de révoquer un élu qui se trouverait dans cette situation, référendum sous certaines conditions. Un maire ou tout autre élu ne peut être un monarque qui décide de tout, tout seul sans rendre des comptes aux citoyens et aux électeurs.

Conclusion : tant pis pour Amboise et pour le principe d’action collective.

Avec le maire d’Amboise, Thierry Boutard, nous sommes dans une situation d’école. Par sa manière de se prendre pour le seul décideur sans consulter ses adjoints ou conseillers municipaux, il a amené une situation de blocage et nous sommes en présence d’un élu qui sait pertinemment qu’il ne pourra mettre en œuvre le programme qui l’a amené-là. Pourtant il reste en position de finir les quatre années restantes de son mandat sans être en outre mesure inquiété.

Sa position sera-t-elle tenable jusqu’à la fin de son mandat ? Que des membres de son équipe se retournent ouvertement contre lui, en dit long sur sa manière de gérer les affaires. D’autant plus que son adjointe à la culture, une fidèle parmi les fidèles, a quitté elle aussi les rangs de la majorité. Une seule certitude : les amboisien-nes n’ont pas fini d’assister à des scènes de ménage mettant aux prises un conseil municipal qui, dans son ensemble, s’est égaré sur les chemins de l’action collective…

Eric Degenne

En prolongement :

Pour lire l’article de la Nouvelle République sur le conseil municipal du 22 septembre, cliquez ici.

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